En écoutant les témoignages de mes clients, en observant les gens (et moi-même…), je m’apreçois à quel point on est capable de se mettre en colère après son chien, souvent de manière complètement irrationnelle et surtout incompréhensible pour l’animal. D’où vient cette rage, de la situation ou de nous-même ?
Petite définition préalable :
Qu’est ce que la colère ?
La colère est une émotion exutoire qui permet d’exprimer une frustration. A l’origine, elle est une réaction primitive face à un danger. Elle est vécue à l’égard de ce qu’on identifie, à tort ou à raison, comme étant « responsable » de notre frustration. On éprouve donc de la colère envers « l’obstacle » à notre satisfaction. La colère, en effet, est toujours vécue à l’égard de quelqu’un ou de quelque chose. On en veut à quelqu’un de nous faire subir quelque chose. On n’est pas « en colère », on est “en colère contre » ou “en colère à cause de ».
La colère et la peur
Vous souvenez-vous de Christine (cf « les signaux d’apaisement ») et de sa colère contre Ipso quand celui-ci ne voulait pas revenir ? Sa réaction était directement liée à la peur qu’elle avait ressentie de le voir disparaître, et d’imaginer toutes les catastrophes qui auraient pu lui arriver. Le chien avait échappé à son contrôle et s’éloignait toujours plus à mesure qu’elle le rappelait. Cette totale impuissance à empêcher quoi que ce soit (et évidement les pires scénarios lui viennent à l’esprit) crée une énorme frustration en même temps qu’une montée d’adrénaline due au stress. Lorsque, enfin le chien revient mais sans vouloir s’approcher de sa maîtresse, son attitude va être le prétexte à l’explosion de sa colère. Elle s’énerve parce qu’Ipso reste à 3 mètres d’elle et semble la narguer. En réalité cette crise de nerfs est une soupape destinée à laisser s’évacuer le cocktail explosif d’émotions qui viennent de l’envahir ! Cette rage mêlée de larmes n’est que le reflet du désespoir qui l’avait envahi à la disparition de son chien.
La colère et la frustration
Nous sommes responsables de notre chien et à ce titre il n’est pas concevable qu’il ne nous écoute pas . Et quand une petite mamie attrape son Youki dans les bras en hurlant parce que votre fauve s’est jeté sur elle pour aller dire bonjour (malgré tous vos rappels infructueux), vous supportez mal, voire pas du tout, les critiques qu’elle va vous faire.
Vous allez donc être en colère après votre chien, pas tant parce qu’il est allé dire bonjour (vous le connaissez et savez qu’il n’y avait pas la moindre agressivité de sa part) mais parce que, en vous désobéissant, il vous a mis dans une situation d’échec sous un regard critique. C’est donc vous qui vous sentez jugé et incapable…
Pour preuve, si au lieu de s’énerver la mamie avait accueilli votre chien avec bienveillance, vous auriez plaisanté ensemble de l’exubérance de votre chien !
La honte ressentie renvoie à des frustrations plus profondes, au sentiment de n’être pas capable de quoique ce soit. On a une mauvaise note, on a mal fait ses devoirs ou son travail, et les parents, professeurs ou patrons nous mettent face à nos incompétences en nous rabaissant bien souvent ( du moins c’est ainsi que nous le ressentons).
Donc se faire prendre en faute par une inconnue avec de raisons réelles nous infantilise. Pour se sortir de cette situation, il n’est pas rare de faire preuve d’une énorme mauvaise foi et, alors que nous savons parfaitement qu’elle a raison ( il est évident que l’on se doit d’être maître de son chien), nous allons l’accabler de toutes sortes d’adjectifs peu élogieux et trouver toutes sortes de justifications. Au final, c’est de la faute de la mamie si notre chien ne nous a pas écouté !
Et pourtant ! Si nous nous trouvions à la place de la mamie et qu’un chien arrivait sur notre Youki, quel serait notre réaction ?
La colère et la confiance en soi
Lors d’un exercice en séance d’éducation, le chien refuse de s’asseoir. On peut le prendre en souriant, après tout rien de grave, il a parfaitement le droit de n’être pas concentré ce jour-là; ou au contraire on peut s’énerver de plus en plus fort, on est tellement nul qu’on n’arrive même pas à faire asseoir un chien, et pourtant c’est enfantin, d’autant plus que les autres autour de nous le font sans soucis. Bien entendu, plus l’on s’énerve, moins le chien comprend notre attitude, et moins il aura envie de s’asseoir… La colère n’est alors pas réellement tournée vers le chien, mais bien vers notre propre incapacité à nous réaliser.
La société fait de nous des compétiteurs, le rapport à l’autre est basé sur la hiérarchie pas sur la compréhension. On veut être supérieur à l’autre, prouver qu’on est le meilleur en permanence. Alors quand un enfant, ou pire un animal, ne se soumet pas à notre bon vouloir, il nous met profondément en situation d’échec ! Si on ne peut s’imposer face à un être « inférieur » c’est qu’on est incapable d’être un homme dans la course. La frustration que cela provoque est en rapport avec le sentiment d’échec qu’il induit, et la colère est le seul exutoire.
Affirmer sa supériorité sur l’autre prouve que l’on a le contrôle, que l’on est un être fort. Le chien sert souvent de faire valoir. Alors s’il échappe à notre contrôle, c’est notre image de super maître responsable qui s’envole, et on craint de devenir la risée de tous…
Ce n’est pas innocent si beaucoup continuent d’interpréter le monde animal en dominant/dominé, peut être bien parce que ce schéma est celui qui s’approche le plus à l’image du modèle humain…
La colère tournée contre soi.
La puissance de notre colère est directement liée à l’image que l’on a de soi ! Plus on est serein, plus on aura la capacité de prendre du recul et d’analyser tranquillement une situation afin de proposer la solution adéquate. Mais si on manque de confiance en soi, le moindre grain de sable va prendre une ampleur irraisonnée !
Après une longue journée de travail, on rentre chez soi fatigué et c’est le jour que choisit Choupette pour nous foncer dessus avec ses pattes pleines de boue. Sa démonstration de joie se solde par une crise de colère de notre part en constatant les dégâts vestimentaires.
Evidemment que l’on est conscient de la disproportion de notre état par rapport à la cause. Et de nous voir perdre à se point le contrôle ne nous renvoie pas une image idyllique de notre personnalité, ce qui multiplie notre dégoût de nous-mêmes, et donc notre énervement… Et c’est un cercle vicieux puisqu’à la frustration d’un refus d’obéissance se rajoute celle de l’échec de l’image que l’on voudrait donner de soi, et pire encore, l’opinion que l’on a de nous-mêmes.
Les conséquences pour le chien
Les conséquences de la colère sont beaucoup plus graves que les causes.
Marc Aurèle
Le chien ne peut en aucun cas avoir le recul pour analyser les raisons de votre colère, il la prend de plein fouet, c’est tout. Et il va en tirer les conséquences liées à sa propre interprétation !
- Ipso constate que quand il s’approche de sa maîtresse, elle est très très énervée, il préfère donc garder ses distances en espérant que ça la calme.
- Bouli a remarqué qu’à chaque fois que ses maîtres rentrent, ils sont très en colère. Il anticipe donc et dès qu’il entend la porte s’ouvrir il va se coucher dans son coin, les oreilles et la queue basses. Le bazar qui règne autour de lui, les coussins qu’il a éventrés ou le plancher souillé n’ont pas le moindre corrélation possible pour lui avec leur état de nerfs… Il va donc associer le retour des 2 pattes à un fort moment de stress, sans en comprendre la cause.
- Mathieu essaie d’apprendre à son chien à ne pas bouger quand il le lui demande. A Chaque fois qu’il s’écarte, Rex vient se coller à lui. Au bout du 20e essai, Mathieu est fou de rage et se défoule sur le pauvre Rex, qui ne comprenant rien, tente de plus en plus de se rapprocher de son maître pour lui signifier à quel point il l’aime et est solidaire…
Nos colères, outre leurs parfaites inutilités, conduisent donc à des contre-sens en éducation qui peuvent considérablement affecter notre relation à notre chien.
Implicitement ou pas, nous reproduisons notre propre schéma. Si nos apprentissages se sont fait à coup de punitions ou vexations , tout en nous répétant que c’était pour notre bien, cette méthode a fait son chemin dans notre inconscient et nous reproduisons ce comportement. Malheureusement les chiens sont dotés de ces mêmes neurones miroirs qui permettent de reproduire un comportement observé. Donc si nous lui envoyons un comportement agressif, il y a fort à parier qu’il finira par y répondre par de l’agressivité …
Alors que faire ?
Etre à l’écoute de soi, faire la paix avec soi-même.
Il faut apprendre à accepter l’imperfection, et particulièrement la sienne ! On ne peut pas réussir tout, dans tous les domaines, et il faut savoir faire preuve d’indulgence envers soi !
La colère a un rapport direct avec l’image et la déception de ne pas correspondre à cette image. En acceptant ses défauts et ses faiblesses, on accepte beaucoup plus facilement un échec, puisque celui-ci ne remet pas en cause la totalité de notre personnalité que l’on s’est attaché à construire.
« Une saine gestion de la colère va de pair avec l’attitude qui consiste à porter la responsabilité de sa vie. Lorsqu’au contraire on considère les autres (ou la vie elle-même) comme responsables d’assurer notre bien-être, on est naturellement porté à les accuser de nos frustrations ».
Faire preuve d’honnêteté et de respect de l’autre.
En acceptant l’idée que l’attitude de l’autre qui a provoqué notre colère est sûrement induite par notre propre comportement, il deviendra évident qu’il faut utiliser notre énergie à modifier ce comportement, plutôt qu’à hurler dans le vide. De plus cela nous permettra de respecter l’autre, quel qu’il soit, comme un être à part entière avec ses besoins et ses envies, plutôt que comme un objet utilisable à notre convenance.
Quand mon chien ne revient pas au rappel, c’est peut-être parce que je ne lui donne pas envie de revenir ! Choisir entre continuer à sentir une vieille carcasse et revenir vers un maître qui hurle de rage, le choix est vite fait pour le chien !
Malheureusement il y a un monde entre la théorie et la pratique, et même si l’on a conscience de nos travers, il n’est pas aisé de ne pas céder aux sirènes de l’exaspération, excellent défouloir si facile à utiliser!
L’idée n’est pas de mettre la barre trop haut, mais juste d’essayer de prendre du recul, de respirer et de chercher à comprendre le pourquoi réel de notre énervement, et d’avoir l’honnêteté d’en assumer parfois la responsabilité ! Mais quand vraiment la colère est la plus forte, alors il vaut mieux écarter l’animal, ne pas le prendre partie et se défouler ailleurs. Ensuite, prenez le temps d’une balade en pleine nature avec votre chien, et laissez les éléments vous apaisez !