Quand les gens viennent me voir pour un chien bruyant, réactif en laisse, qui n’a pas de rappel (…), Les phrases qui reviennent systématiquement pendant la découverte sont :
- J’ai peur de déranger
- Les gens me regardent méchamment
- Je me fais insulter
- J’ai peur de croiser des personnes
Quand le chien est débordant, qu’il saute sur les gens, qu’il monopolise l’attention, les humains formulent ainsi :
- Je n’ose plus inviter des amis à la maison
- Je ne me promène plus là où il y a du monde
- J’ai honte.
Bref, la motivation à changer un comportement de son chien n’est, bien souvent, pas le comportement lui-même, mais la conséquence de ce comportement, à savoir un dérangement pour les autres humains. On ne se demande pas pourquoi le chien agit ainsi (ce qui motive ou entraine une réaction), mais comment éviter qu’il ne le produise sur les autres personnes. D’ailleurs, on me dit souvent « que mon chien me saute dessus ne me dérange pas, mais je ne veux pas qu’il le fasse sur les invités, les enfants, la belle-mère … (Rayez la mention inutile).
Et lorsque l’on commence la rééducation, qu’on cherche les causes, qu’on tente d’intervenir en amont du déclencheur, qu’on met en place des exercices de « solfège » (apprendre et répéter un nouveau comportement en zone le plus neutre possible, sans stimuli), invariablement, le petit « Oui, mais, je fais quoi quand je croise des gens » revient très vite !
- Partir en courant dans l’autre sens si son chien veut aller voir des humains au loin ? On ne peut pas faire ça, que vont penser les gens ?
- Faire ½ tour ou changer de trottoir ? Les gens vont penser que je suis fou (folle) !
- Refermer la porte si le chien veut sauter sur les invités ? Je ne peux pas faire attendre mes amis !
De la même façon, quand je dis qu’on ne doit pas laisser son chiot être caressé par tout le monde, j’entends :
- Mais on ne peut pas faire ça
- On ne peut pas empêcher les enfants de venir, ça leur fait tellement plaisir
- Je ne peux pas dire non aux gens
- C’est trop dur de refuser…
Je pourrais multiplier les exemples encore longtemps…
Tout ça pour dire qu’un des plus gros soucis dans la rééducation, c’est le regard de l’autre !
Nous sommes des animaux sociaux, élevés dans la conscience d’une appartenance à une communauté humaine, dans laquelle il faut se fondre. Tous nos actes sont donc soumis à l’approbation de la société.
Par extension, le comportement de notre chien (ou de nos enfants) va entrainer un jugement d’autrui sur notre propre façon d’être. C’est le regard de l’autre qui va nous faire prendre conscience du comportement inapproprié (à leurs yeux) de notre animal, et son jugement qui va nous faire honte. Je vous laisse relire Sartre, il le dit bien mieux que moi ! Et selon notre personnalité, notre vécu, notre éducation, nos traumatismes, ce jugement aura un impact plus ou moins violent sur notre propre comportement.
Pour revenir à nos moutons, plus on arrivera à faire abstraction de ce regard, et plus, surtout, on agira sur les causes et non les conséquences d’un comportement, plus on créera une relation pérenne, compréhensible et confiante avec notre chien, qui lui permettra d’évoluer dans le sens qu’on souhaite !